L’ESPRIT SUR LA MATIÈRE

Pour une large part, l’écologie s’occupe du système complexe d’interactions entre la vie et son environnement. Les grands troupeaux de zèbres et de gnous du Serengeti répondent à des signaux de l’environnement qui déclenchent leur annuelle migration et dans leur long et difficile voyage, montant par millions des plaines d’Olduvai jusqu’au pays boisé du Mara, ils taillent à travers la région un andain qui laisse une marque pour des années. Les castors répondent aux signes d’approche de l’hiver en bâtissant une digue afin de protéger leur hutte et ce faisant ils inondent une zone de territoire en modifiant complètement son caractère. L’homme répond aux défis de l’environnement de façon directe et souvent brutale – défrichant des régions pour son agriculture, abandonnant de la terre à la mer par négligence et par érosion et la récupérant grâce à ses machines monstrueuses.

Il s’agit là de connexions physiques, directes, entre matière vivante et non vivante ; or, il existe d’autres liens, beaucoup moins évidents. Chaque année, la transpiration des végétaux envoie en l’air huit mille kilomètres cubes d’eau qui retombe sur terre sous forme de pluie. La respiration de l’homme, et d’autres genres de combustions qu’il estime nécessaires à son entretien, brûlent plus d’oxygène que l’environnement ne peut en fournir, et créent une couche d’acide carbonique qui risque de déclencher une nouvelle époque glaciaire, avec tous ses dramatiques effets sur la matière. Même au plus simple niveau individuel, on a la preuve d’une action indirecte de ce genre. Un bœuf musqué qui revient chaque soir dormir au même endroit fond la neige par sa chaleur corporelle et expose une surface de terre qui garde jusqu’en été l’aspect d’une cicatrice livide au sein du tapis de verdure qui, partout ailleurs, a joui de la pleine protection d’une couverture de neige hivernale.

Au-delà de ces effets indirects de la vie sur la matière, il existe d’autres connexions plus ténues encore. Elles dépendent non de l’action musculaire directe, ni même de la respiration et de réchauffement indirects, mais des effets des champs de force entourant tous les êtres vivants. Je crois que ces forces, surnaturelles en apparence, sont susceptibles de description et de compréhension physiques, mais toute l’affaire est si neuve et en même temps si enveloppée de superstitions anciennes qu’il nous faut avancer à pas de loup et aborder le sujet à l’improviste.

Un organisme vivant dépend d’une information externe. Celle-ci arrive sous trois formes : ondes électromagnétiques, telles que la lumière ; pressions mécaniques, telles que le son ; et stimuli chimiques, tels que ceux qui donnent naissance au goût et à l’odorat. Si l’organisme est un animal, les trois genres de signaux sont convertis par des récepteurs sensoriels situés à l’extérieur du corps en impulsions d’énergie électrique qui portent des messages à l’intérieur, au système nerveux central. Le fait que toute nouvelle voyageant au long des nerfs soit transportée par le même genre de véhicule peut être démontré en détournant sa circulation. Si l’on relie une fibre nerveuse en provenance de la langue à une autre conduisant de l’oreille au cerveau, une goutte de vinaigre dans la bouche est « goûtée » à la façon d’une explosion violente et effrayante. Voilà comment naissent les hallucinations, par des courts-circuits provoqués dans le système nerveux par une drogue ou par un effort, et qui permettent à la musique, par exemple, d’atteindre le cerveau sous l’aspect d’images lumineuses. Ainsi, ce que nous désignons en général comme la qualité d’une sensation dépend complètement de la partie du cerveau qui se trouve stimulée sur le moment.

Une fibre nerveuse est une cellule très longue et mince, qui non seulement produit une charge électrique lorsqu’elle est stimulée, mais la transmet à la cellule vivante par une série de modifications chimiques qui s’écoulent sur sa longueur à la façon d’un rond de fumée voyageant à plus de trois cents kilomètres a l’heure. Cela se produit chaque fois exactement de la même façon. Aussi bien la quantité de courant que la vitesse de propagation sont toujours les mêmes et nulle action supplémentaire ne peut avoir lieu tant que le phénomène entier n’est pas achevé. Un signal puissant, venu de l’environnement, ne saurait susciter au sein du nerf une plus grosse charge électrique ; il se borne à le faire plus souvent. Ainsi, l’intensité d’une sensation telle que l’apprécie le cerveau ne dépend que de la fréquence des impulsions qui surviennent.

Tandis qu’une impulsion longe une fibre nerveuse, elle utilise une petite quantité d’oxygène et se débarrasse d’une petite quantité d’acide carbonique. Il se produit une légère élévation locale de la température et une pulsation de la fibre que l’on peut distinguer avec un puissant microscope ; cependant, l’effet le plus manifeste est une modification du champ électrique. Avec un appareillage adéquat et des électrodes sur la peau, on peut suivre une impulsion déclenchée par une piqûre au doigt grimpant tout le long du bras, et enregistrer son arrivée dans le cortex, du côté opposé du cerveau. Cette communication se présente comme une modification du potentiel électrique et l’appareil, en enregistrant le passage d’une charge unique, peut même être utilisé pour détecter si tel nerf particulier fonctionne bien ou non. Si une seule impulsion de ce genre crée un champ électrique mesurable que l’on peut détecter à l’extérieur du corps d’un organisme complexe, il est clair que des millions d’événements similaires, ayant lieu tout le temps, doivent produire un considérable champ environnant.

Pavel Goulyaïev, de l’université de Leningrad, a élaboré une très sensible électrode à forte résistance, encore plus efficace pour mesurer l’intensité du champ que l’équipement de Harold Burr. Bien qu’un certain secret entoure encore son instrument, il paraît semblable aux détecteurs de champ magnétique en usage dans la recherche spatiale. L’appareillage de Goulyaïev peut détecter un champ électrique jusqu’à trente centimètres du nerf sciatique dénudé d’une patte de grenouille et a réussi également à enregistrer un champ humain à une certaine distance du corps.

Ce champ ne dure qu’une fraction de seconde, tandis que chaque impulsion passe au long de la fibre ; mais si le stimulus est prolongé, alors un courant constant d’impulsions crée un champ durable, qui persiste quelque temps. Si le stimulus est assez fort, il peut affecter directement un muscle et produire une action réflexe. Par exemple, si on marche sur une épine, il ne faut qu’un vingtième de seconde aux impulsions nerveuses pour parvenir à la moelle épinière et revenir aux muscles qui font retirer le pied. La plupart des stimuli, cependant, ont besoin d’être triés par le cerveau et cela prend quatre fois plus de temps. Chez la girafe, il faut même un tiers de seconde aux impulsions pour parcourir les cinq mètres qui du pied grimpent jusqu’au cerveau. Ensuite, le cerveau doit examiner le stimulus, l’enregistrer comme étant douloureux, et lancer le message en vue de prendre les mesures appropriées d’évitement. Jusqu’à ce que ces mesures aient été prises, et tant qu’elles sont en cours d’exécution, le cerveau poursuit son émission vers les muscles en cause et instaure un champ électrique beaucoup plus puissant que le champ provoqué par le stimulus initial. Goulyaïev et d’autres ont démontré que c’est ce champ d’origine cérébrale qui possède l’intensité la plus élevée et qui peut être détecté aux plus grandes distances du corps.

Psychokinésie

En 1967, une société cinématographique de Kiev produisit à grands frais un film professionnel sur une ménagère entre deux âges de Leningrad. On la voit assise à une table, dans un laboratoire de physiologie, après qu’elle eut été médicalement examinée et radiographiée afin de s’assurer qu’il n’y a rien de caché sur ou dans son corps. Elle tend les mains, doigts écartés, au-dessus d’une boussole placée au milieu de la table et bande ses muscles. Elle fixe intensément la boussole du regard, les rides profondément gravées sur son visage montrent les efforts d’un corps en proie à une tension aiguë. Les minutes passent ; la sueur perle à son front tandis qu’elle continue à lutter ; puis, lentement, l’aiguille de la boussole frémit et se déplace vers une direction nouvelle. La femme se met à déplacer ses mains dans un mouvement circulaire et l’aiguille tourne avec elles, décrivant la même rotation qu’une trotteuse de montre. Dans certaines conditions, le champ produit par le corps peut, semble-t-il, être encore plus puissant que celui de la Terre elle-même.

On a noté beaucoup d’exemples où la matière est apparemment commandée ainsi de façon directe. La plupart traitent d’horloges du grand-père qui « se sont arrêtées net, pour ne plus jamais repartir, à la mort du vieux », ou de tableaux qui se sont décrochés du mur à l’instant précis de quelque lointaine calamité. Par nature, les phénomènes de cet ordre ne sont pas renouvelables et ne fournissent aucun élément à plus ample analyse. On les accumule sous le nom de télékinésie – faculté de faire mouvoir des objets à distance – et ils sont soigneusement négligés par tous, à l’exception des parapsychologues endurcis ; néanmoins, une fois de temps en temps, on découvre une personne qui paraît capable de faire bouger à la demande des objets éloignés.

Le plus impressionnant de tous les premiers tests de laboratoire sur ce phénomène fut organisé à Londres par Harry Price, qui se fit un nom dans les années 30 en tant qu’enquêteur fortement sceptique sur les fantômes. Son sujet pour cette expérience était une jeune fille et la tâche qu’il lui assignait consistait à débrancher un manipulateur de télégraphe qui fermait un circuit et allumait une petite ampoule de lumière rouge, sans rien toucher de l’appareil. Price rendit l’expérience difficile en soufflant une grosse bulle formée d’un mélange de savon et de glycérine et en la plaçant avec soin par-dessus tout l’appareil. La bulle fut alors emprisonnée sous un globe en verre, lui-même enclos dans une cage en fil de fer, située au centre d’un treillage en bois. En dépit de toutes ces barrières, les témoins rapportent que la jeune fille se montra capable d’allumer et d’éteindre plusieurs fois l’ampoule, et qu’à l’issue de l’expérience, la bulle de savon fut retrouvée intacte. Il s’agit là d’une démonstration précise, qui semble avoir été rapportée honnêtement, mais ainsi que la plupart des expériences anciennes concernant l’occulte, elle a des lacunes sur lesquelles tombent à bras raccourcis les savants modernes pour tourner le tout en ridicule. Le rapport omet de dire si l’on voyait bouger le manipulateur, ce qui pourrait avoir de l’importance étant donné que nous savons maintenant qu’il est possible d’induire un courant à distance.

Tout le tableau de l’investigation se transforma en 1934, lorsqu’un maître de conférences au département de psychologie de la Duke University, en Caroline du Nord, reçut la visite d’un jeune joueur qui prétendait pouvoir commander la chute des dés par force de volonté. Le maître de conférences était J. B. Rhine, déjà occupé à une étude statistique à long terme de la télépathie ; mais ce que le joueur lui montra dans l’endroit même, sur le sol du bureau, suffit pour le lancer sur une piste entièrement nouvelle.

Rhine et ses amis achetèrent des dés ordinaires, en plastique, et commencèrent à les jeter. Ils essayèrent activement de vouloir la chute de deux dés en sorte que le total de leurs faces s’élevât à plus de sept. Il y a trente-six combinaisons possibles de deux dés, dont quinze sont supérieures à sept ; aussi s’attendaient-ils à atteindre leur cible 2 810 fois sur 6 744 lancées. En réalité, ils marquèrent 3 110, ce qui se trouvait si loin de la coïncidence fortuite que cela ne pouvait se produire qu’une fois sur bien plus d’un milliard. Rhine en conclut à la possibilité pour l’esprit d’influencer la chute des dés et c’est ce qui l’incita à enquêter sur ce qu’il nomma la « psychokinésie » : le mouvement physique produit par l’esprit.

On avait déjà procédé à des tests de ce genre, mais ce que Rhine apporta à la recherche sur l’occulte, ce fut une méthode scientifique fondée sur l’analyse statistique d’un grand nombre de tests. La valeur du système de Rhine se manifeste clairement dans ce premier test. Ici, le taux moyen de réussite aurait dû être de quinze sur trente-six ; et pourtant, il se révéla être de 16,5. Une aussi petite déviation peut facilement passer inaperçue dans un seul test ; cependant, lorsqu’elle se produit sur des centaines de tests, elle revêt une signification tout à fait différente, dont le sens ne peut être déterminé que par une complexe analyse statistique. Il ne s’agit pas là de simple jonglerie mathématique, mais d’une méthode pour distinguer entre ce que l’on peut raisonnablement attribuer à la coïncidence et ce qui a vraisemblablement lieu pour quelque autre motif. Dans la plupart des recherches scientifiques, un résultat est déclaré significatif s’il n’eût dû se produire par hasard que cinq fois sur cent, ce qui représente une probabilité de dix-neuf contre un ; mais Rhine prit délibérément des précautions supplémentaires en négligeant tout ce qui aurait pu se produire par hasard plus d’une fois sur cent.

Après vingt-cinq ans de tests, Rhine conclut que « l’esprit possède effectivement une force capable d’affecter directement la matière physique ». Il estime que la masse des preuves en faveur de la psychokinésie (PK) est si grande que « le simple fait de répéter les tests PK avec l’unique objectif de trouver plus de preuves de l’effet PK lui-même serait un inconcevable gaspillage de temps ».

Voici quelques-uns des résultats.

Les tests de Rhine, lorsqu’ils sont évalués selon ses propres méthodes statistiques, présentent une signification générale à un haut niveau de probabilité. Bien que ces méthodes aient été critiquées, peut-être à bon droit, les analyses effectuées par des statisticiens indépendants ont révélé d’autres courants encore plus importants cachés dans les chiffres. Chez toutes les personnes testées, on constate au cours de l’expérience des fluctuations de réussite ; presque tous les sujets obtenaient de bons résultats au début et de nouveau vers la fin de chaque série. Cela donne à supposer que le déclin situé au milieu de l’expérience est dû non seulement à la fatigue, mais à une perte d’intérêt. Les « effets de position » de cet ordre étaient le plus accentués dans des tests où le sujet marquait ses propres résultats et pouvait en suivre la courbe. C’était presque comme si la personne qui jetait les dés influençait le dessin de leur chute – ce qui est précisément ce que les tests étaient destinés à découvrir. Une tendance constante à obtenir des résultats meilleurs dans une partie du test que dans une autre a beaucoup plus de chances d’être due à l’influence personnelle qu’à un quelconque défaut de l’expérience. L’étendue de cette tendance a été joliment démontrée par un mathématicien anglais qui a pu produire exactement la même distorsion des probabilités en faisant jeter au hasard par les sujets des dés lestés de plomb à un angle.

D’autres tests ont apporté d’autres preuves de l’influence mentale. Dans une série, on constata que les sujets réussissaient mieux avec des objectifs, comme le double-six, qui les séduisaient. Et dans une autre série, on obtenait toujours des réussites plus nombreuses lorsqu’on laissait le sujet lancer des dés de la dimension qu’il aimait le mieux. Qu’il s’intéressât fortement au résultat du test avait une importance évidente. Si le sujet tentait consciemment d’obtenir une combinaison particulière, mais savait que l’expérimentateur s’intéressait à un autre nombre, alors ce dernier sortait plus souvent lui aussi qu’on ne s’y fût attendu. L’importance des facteurs psychologiques dans le test fut clairement démontrée en une très longue série, de deux cent mille coups, effectuée par une équipe mixte. Après avoir analysé leurs résultats, qui montraient une courbe marquée et changeante déterminée par leurs relations entre eux, un statisticien conclut que les indices de réussites ne pouvaient être attribués au hasard ou bien à « des dés pipés, des désirs pris pour des réalités, des erreurs de notation ni toute autre contre-hypothèse raisonnable ». Il terminait ainsi : « La PK reste la seule cause adéquate de ces effets. »

Tout au long de ces tests, il était évident que l’humeur du sujet jouait un rôle capital. Les meilleurs résultats de tous les tests de dés furent fournis par une expérience en forme de compétition entre quatre joueurs heureux, convaincus d’avoir de la chance, et quatre étudiants en théologie, non moins convaincus du pouvoir de la prière. Il semble capital, pour l’opérateur, d’être stimulé par l’expérience et curieux de voir s’il peut réussir, obliger les dés à se comporter comme il le désire. En aucun test effectué à ce jour, les enquêteurs qui répétaient les expériences de quelqu’un d’autre ne sont jamais parvenus à faire tout à fait aussi bien que les sujets d’origine. Rhine observe que « ceux qui luttent pour tracer leurs propres pistes et développer leurs propres méthodes en territoire inconnu se sont révélés fois après fois plus à même d’obtenir des preuves de PK ».

Cette tendance, chez les enquêteurs, à obtenir les résultats qu’ils désirent avec ardeur a bien entendu provoqué des critiques sur ces travaux, alléguant le parti pris et le manque d’objectivité de l’expérimentateur. L’investigation scientifique devrait, dans l’idéal, être neutre, mais l’est rarement, et dans les sciences de la vie, les risques sont particulièrement grands. Par exemple, parmi la masse d’informations sur la façon dont les rats blancs franchissent des labyrinthes, il existe un élément bien révélateur. Il a trait à une expérience effectuée sur un certain nombre de rats spécialement choisis, sur la base de performances antérieures dans des labyrinthes, pour leurs aptitudes similaires. Leurs cages furent marquées au hasard d’écriteaux où l’on pouvait lire « INTELLIGENT » et « STUPIDE », et chaque rat fut testé par plusieurs enquêteurs au cours d’une nouvelle série d’expériences. Les rats « intelligents » obtinrent les meilleurs scores, mais seulement lorsqu’ils portaient leurs insignes de mérite. Si l’on interchangeait les étiquettes, les scores en pâtissaient d’autant !

Pour éviter les critiques sur ce genre de parti pris, Rhine élimina tout contact avec les dés en créant une machine électrique destinée à lancer les dés à sa place, tandis qu’il se tenait à proximité pour exercer sa volonté. Les résultats furent encore meilleurs. Un physicien de Pittsburgh continuait à s’inquiéter du rôle du parti pris au stade de la notation ; aussi, pour éliminer « les erreurs de notation, la perte ou le choix de données, la sélection de l’expérience, le choix rétroactif du but et l’interruption délibérée », il construisit une machine à tout faire. L’appareil secouait et lançait les dés, puis photographiait et classait le résultat sans jamais laisser voir au sujet dans quelle mesure il réussissait ou non. Tout ce que l’expérimentateur avait à faire, c’était d’appuyer sur un bouton pour déclencher chaque coup tandis que lui-même souhaitait un résultat particulier. Au bout de 170 000 coups, il constata qu’il avait des résultats présentant des chances de plus de cent contre un par rapport au hasard. Mais s’il complétait la machine en ajoutant un déclencheur automatique, de façon qu’il n’y eût pas la moindre intervention humaine, les résultats se trouvaient strictement conformes au hasard.

Prises dans leur ensemble, ces expériences font supposer que, du moins pour les dés, on a des preuves d’une force d’origine mentale, capable d’influencer le mouvement d’objets physiques.

Si l’effet PK dépend de l’action d’une force infime, ces tests ne paraissent pas un instrument très sensible pour la mesurer. À la suite de la publication des premiers résultats de Rhine, plusieurs techniques différentes furent développées ailleurs. En Allemagne, un lycéen de dix-sept ans réalisa des performances incroyablement élevées avec des pièces de monnaie. Il lança dix mille fois une pièce et fut en mesure de prédire correctement sa chute avec des résultats présentant des chances d’un milliard contre un par rapport au hasard. Et dans un test avec une roulette, il marqua soixante-quinze coups dans le mille sur cinq cents tentatives, ce qui représente des chances de plusieurs millions contre un par rapport au hasard.

Dans d’autres laboratoires, on poursuivit des travaux fondés sur l’hypothèse que tout le monde ne peut pas atteindre des scores exceptionnels de ce genre, mais que tout le monde a une certaine aptitude à la PK, qui ne doit pouvoir se détecter qu’au moyen de tests fort sensibles. John Beloff, un psychologue de Queens University, à Belfast, fit le raisonnement que des particules microscopiques devraient être plus faciles à influencer que des particules macroscopiques, et eut l’idée d’utiliser ce qu’il nomme « les dés propres de la nature ». Dans le noyau de chaque atome, il y a deux types de bases de particules fondamentales : neutrons et protons. Il existe 275 combinaisons différentes de ces particules qui forment des alliances stables et constituent la majeure partie de la matière terrestre ; mais il y a environ cinquante autres éléments chimiques apparaissant dans la nature, avec un noyau instable qui lance des particules : c’est la radioactivité. Beloff suggéra que, étant donné que ces particules se détachent au hasard, elles fourniraient un test parfait de l’aptitude à la PK, où l’on chercherait soit à les arrêter, soit à augmenter leur taux d’émission.

Deux savants français reprirent la suggestion de Beloff ; ils choisirent le nitrate d’uranium en tant que source radioactive, et un compteur Geiger en tant que moyen de mesurer le taux d’émission des particules. Leurs sujets furent deux écoliers qui se montrèrent bien entendu fascinés par l’expérience ; leur tâche était soit d’accélérer, soit de ralentir les déclics du compteur. Ils réussirent, avec des résultats d’un milliard contre un par rapport au hasard.

Helmut Schmid, à l’université de Durham, en Caroline du Nord, utilisa le même principe en réalisant un genre d’appareil à sous électronique. La source de radiation de Schmid alimentait un générateur binaire, qui produisait au hasard, une fois par seconde, un genre de réaction sur deux seulement. Schmid disposa neuf ampoules lumineuses, en cercle sur un panneau-cadran, et les relia de façon qu’une seule pût être allumée à la fois. Une réaction « face » faisait sauter la lumière dans le sens des aiguilles d’une montre autour du cercle, tandis qu’une réaction « pile » la faisait aller dans l’autre sens. Les sujets de Schmid se concentrèrent pour la faire constamment se mouvoir dans l’une ou l’autre direction, au lieu de clignoter dans les deux sens au petit bonheur. En trente-deux mille essais, ils y parvinrent avec des chances de dix millions contre un par rapport au hasard.

Le résultat de ces deux études suggère que Beloff avait raison : que l’action PK s’exerce le plus efficacement à un niveau subatomique. Il s’agit là d’une découverte capitale, étant donné que nous savons maintenant que les prétendues particules contenues dans les atomes ne sont point du tout solides, mais consistent à ce qu’il semble en zones d’action électromagnétique du type ondes. Il n’existe qu’un seul genre de force qui puisse influencer un champ électrique – et c’est un autre champ. La force psychokinésique commence à ressembler à un phénomène de champ électrique.

Un ingénieur mécanicien de Caroline du Sud a fourni des preuves à l’appui de cette théorie. Il a construit une horloge mue par un courant électrique qui doit traverser un bain de solution saline. En présence d’électricité, le sel se décompose en ions chargés de sodium et de chlore, qui se dirigent vers des électrodes opposées et portent un courant à travers la solution. La vitesse à laquelle se forment les ions détermine l’écoulement du courant et donc le taux de mouvement des aiguilles de l’horloge. Notre ingénieur estima que la PK pourrait agir sur les ions et soit accélérer, soit ralentir l’horloge – et c’est ce qui se produisit, avec des chances d’un millier contre un par rapport au hasard. Ce qui paraît démontrer que la PK peut faire agir une force purement électrique sur des particules de dimensions atomiques aussi bien que subatomiques. L’unique lacune de toute la théorie électrique, c’est qu’il existe des exemples de l’action sur des substances électriquement inertes, comme le plastique et le bois, par ce qui semble être des forces PK.

Haakon Forwald, un ingénieur suédois, a entrepris de décrire la PK en fonction de l’énergie qu’elle exerce. Il a construit une rampe inclinée vers une table, et, au sommet, a installé un système destiné à lâcher simultanément un certain nombre de cubes. Les cubes roulaient au bas de la pente et continuaient sur la table, où ils pouvaient s’arrêter d’un côté ou de l’autre d’une ligne centrale. Forwald essaya de les faire aller dans une seule direction et, en mesurant leur déplacement à partir de la ligne centrale, fut en mesure de calculer la quantité de force en cause. Avec des cubes en hêtre pesant chacun deux grammes, il constata que la force moyenne impliquée dans le déplacement du cube à partir d’une position témoin était d’environ trois cents dynes. Une dyne est « la force qui, lorsqu’elle agit sur une masse d’un gramme, l’accélérera d’un centimètre par seconde ». C’est donc une mesure physique précise et il est très satisfaisant de pouvoir assigner une rigoureuse valeur numérique à l’énergie développée dans au moins un résultat de PK. Cela rend l’ensemble du phénomène plus normal et plus admissible, mais cela n’explique pas comment il fonctionne.

Forwald a travaillé en outre sur des cubes de zinc, de bakélite, de cuivre, de cadmium, d’argent, de plomb et d’aluminium. Il a constaté que des matériaux différents réagissent de façon différente, mais que la distance dont ils sont déviés n’est pas liée à leur poids. Il émit l’hypothèse que, puisque son esprit paraissait faire un effort identique pour mouvoir chacun des cubes, si différence il y avait, elle ne pouvait provenir que des cubes eux-mêmes, qui donc libéreraient de l’énergie. Il explique que peut-être « l’action de l’esprit est du type relais, capable de déclencher un processus énergétique au sein de l’atome, mais sans y transmettre d’énergie ». Forwald étudia les cubes pour voir s’ils portaient des traces d’une quelconque radiation secondaire que devrait produire ce genre de réaction, mais n’en trouva point.

La notion d’une force mentale n’agissant qu’en tant que déclencheur présente un sens quand on l’applique à toutes ces expériences de PK, où des gens normaux tentent d’influencer des objets déjà en mouvement. La plupart des résultats ne sont pas du tout spectaculaires et n’acquièrent de signification qu’envisagés statistiquement. Il est donc possible qu’un petit nombre des dés qui tombent ou des pièces qui tournoient tombent dans un état d’équilibre où ils pourraient aussi bien aller dans un sens que dans l’autre, et c’est sur ceux-là qu’une force infime, peut-être pas plus grande que la pression d’un rayon lumineux, agit pour produire le résultat désiré. Cependant, cette théorie n’est même pas l’amorce d’une explication de certaines des choses extraordinaires qui sont accomplies par des gens doués de talents particuliers de PK.

Force de volonté

De tous ces gens à part, nul n’a plus de talent ni de régularité que Nelya Mikhaïlova. Elle naquit dix ans juste après la Révolution russe et à l’âge de quatorze ans combattait sur le front de l’Armée rouge. Elle fut blessée par un feu d’artillerie vers la fin de la guerre et passa longtemps à se remettre à l’hôpital. C’est durant cette période qu’elle commença de manifester ses étranges facultés. « Un jour, j’étais très irritée et bouleversée, se remémore-t-elle. Je me dirigeais vers un placard quand soudain une cruche se déplaça vers le bord de l’étagère, tomba et se brisa en mille morceaux. » Après quoi, toutes sortes de modifications commencèrent à se produire autour d’elle. Les objets se déplaçaient de leur propre chef, les portes s’ouvraient et se fermaient, les lumières s’allumaient et s’éteignaient. Néanmoins, à la différence de la plupart des gens affligés de pouvoirs du type esprit frappeur, Nelya se rendit compte qu’elle devait en être, d’une façon ou d’une autre, responsable, et pouvoir commander cette énergie. Elle pouvait y faire appel et la diriger à volonté.

L’un des premiers à étudier ses talents fut un biologiste de l’université d’État de Moscou, Edouard Naumov. Au cours d’un test effectué dans son laboratoire, il répandit sur une table une boîte d’allumettes ; Nelya promena ses mains en cercle au-dessus d’elles, tremblant sous l’effort, jusqu’à ce que le groupe entier d’allumettes se déplaçât comme un train de billes de bois jusqu’au bord de la table et qu’elles tombassent l’une après l’autre à terre. Afin d’éviter les courants d’air, les fils métalliques ou autres, Naumov mit un second lot d’allumettes sous une couverture en plexiglas ; Nelya n’en continua pas moins de les faire aller et venir. Cinq cigarettes furent alors placées sous le verre et Nelya démontra qu’elle pouvait être sélective, en n’en choisissant qu’une afin de la faire bouger. Ensuite, on déchiqueta les cigarettes pour s’assurer que rien n’était caché dedans.

Deux célèbres écrivains soviétiques l’ont examinée, de leur propre aveu dans des conditions dépourvues de contrôle, mais leurs comptes rendus fournissent quelque notion de l’étendue de ses talents. Lev Kolodny se rendit chez elle pour une interview et fut stupéfait de voir le capuchon de son stylo poursuivi à travers la table par un verre. « Les deux objets se dirigèrent vers le bord de la table, comme attachés l’un à l’autre. La nappe ne bougeait pas – les verres autres que le mien demeuraient à leur place. Pouvait-elle par un moyen quelconque souffler dessus pour les faire bouger ? Il n’y avait pas de courant d’air et Mikhaïlova ne respirait pas fortement. Pourquoi un pichet qui se trouvait sur leur chemin ne bougeait-il pas, lui aussi ? Je passai les mains à travers l’espace qui séparait Mikhaïlova de la table. Aucun fil d’aucune sorte. Si elle s’était servie d’aimants, ils n’auraient pas agi sur du verre. »

Vadim Marine, qui dîna en ville avec Nelya, rapporte : « Un morceau de pain se trouvait sur la table, à quelque distance de Mikhaïlova. Se concentrant, elle le regarda attentivement. Une minute s’écoula, puis une autre… et le morceau de pain commença de se déplacer. Il bougeait par à-coups. Vers le bord de la table, il se déplaça de façon plus régulière et plus rapide. Mikhaïlova pencha la tête, ouvrit la bouche et, tout comme dans le conte de fées, le pain lui-même (excusez-moi de n’avoir pas d’autres mots pour le dire) lui sauta dans la bouche ! »

Dans ces deux comptes rendus, les possibilités de fraude et d’hypnotisme existent ; mais du moins une série d’expériences a-t-elle été menée sous des conditions de contrôle où n’existait aucun risque d’imposture. Genady Sergeyev, neurophysiologiste à l’Institut Outomskii de Leningrad, organisa les tests dans un laboratoire de physiologie. Mikhaïlova fut ligotée dans un harnachement d’électroencéphalographe et de cardiographe et on mesura d’abord ses réactions physiologiques au repos. Sergeyev découvrit qu’elle avait autour du corps un champ magnétique dix fois moins puissant seulement que celui de la Terre elle-même. À une date plus récente, le fait se trouva confirmé par des examens pratiqués à l’Institut de météorologie de Leningrad. Sergeyev constata de plus que Nelya présentait un type inhabituel d’ondes cérébrales, le voltage produit à l’arrière de la tête étant cinquante fois supérieur à celui de devant.

L’expérience commença par une des démonstrations de PK les plus difficiles et les plus impressionnantes que l’on ait jamais faites. On cassa un œuf cru dans une solution saline contenue dans un aquarium situé à 1,80 m de Nelya puis, sous l’œil de caméras qui enregistraient chaque seconde, elle lutta jusqu’à ce qu’elle fût capable de séparer le blanc de l’œuf du jaune et de les éloigner l’un de l’autre – acte que nul ne pourrait jamais attribuer à des ficelles ou à des aimants cachés.

Tandis qu’avait lieu la démonstration, l’EEG de Nelya montrait une intense excitation émotionnelle. Il se produisait une grande activité dans les couches profondes de la formation réticulée, laquelle coordonne et filtre l’information dans le cerveau. Le cardiogramme trahissait un mouvement irrégulier du cœur, avec la confusion entre les cavités qui est caractéristique d’une grande inquiétude. Le pouls s’éleva jusqu’à deux cent quarante battements par minute, quatre fois son niveau normal, et l’on enregistra des pourcentages élevés de sucre sanguin, en même temps que d’autres troubles endocriniens, tous caractéristiques d’une réaction de stress. Le test dura trente minutes au cours desquelles Nelya perdit plus d’un kilo. À la fin de la journée, elle était très faible et temporairement aveugle. Ses facultés de goût s’étaient altérées, elle éprouvait des douleurs dans les bras et les jambes, des étourdissements, et fut incapable de dormir pendant plusieurs jours.

Tout cela est assez stupéfiant ; pourtant, à l’occasion de la même démonstration, Sergeyev inaugura aussi un instrument nouveau, d’une importance capitale. Pour l’heure, on ne le connaît que sous le nom de détecteur Sergeyev ; en principe, il paraît similaire à celui dont on s’est récemment servi à l’université de Saskatchewan. Ses éléments fondamentaux sont des condensateurs et un préamplificateur lié à un cardiographe, et il est réglé en vue de réagir à des modifications du champ vital. Sergeyev avait l’instrument près de Nelya durant le test en laboratoire, et, dans les moments précis où elle semblait mouvoir des objets grâce à sa force PK, il enregistra de grands changements dans les mensurations électrostatiques et magnétiques de son champ. Tandis qu’elle luttait pour exercer son influence, le champ électrostatique se mit à manifester des pulsations jusqu’à subir une fluctuation régulière à un rythme de quatre cycles par seconde. Cette turbulence était liée de façon précise, à ce moment, au rythme de quatre battements à la seconde du pouls, ainsi qu’à une puissante action des ondes cérébrales thêta, à la même fréquence. Les rythmes corporels semblaient produire un battement recueilli et amplifié par le champ qui entourait Nelya, et concentré sur le point où ses yeux se fixaient. Sergeyev prétend que ces vibrations du champ se comportent à la façon d’ondes magnétiques. « Dès que ces vibrations ou ondes magnétiques apparaissent, elles font se comporter l’objet sur lequel Mme Mikhaïlova se concentre, même s’il s’agit de quelque chose de non magnétique, comme s’il était magnétisé. Cela provoque l’attraction vers elle ou la répulsion loin d’elle de l’objet. »

Une partie de cette attraction pourrait être due à un champ électrostatique d’une largeur exceptionnelle aidé par la pulsation d’un champ magnétique.

On a récemment découvert que les particules fondamentales de la plupart des atomes peuvent manifester un tournoiement qui produit des ondes giratoires et un champ magnétique fluctuant du type même qui est nécessaire pour réduire la friction entre un objet et la table sur quoi il repose. Il s’agit pour le moment d’une simple conjecture ; nul n’a encore observé ce genre d’interaction magnétique sur des objets en train d’être mus par une activité de PK ; on n’en a pas moins un nombre croissant de preuves étonnantes que la plupart des corps vivants produisent la force nécessaire. Léonard Ravitz a découvert que des modifications mentales peuvent provoquer des effets mesurables sur des instruments servant à relever le champ vital. Grâce à eux, il se fait fort de déterminer l’état d’esprit d’une personne, et même la profondeur d’hypnose. Au Canada, des neurophysiologistes utilisent actuellement un détecteur de champ pour déterminer à distance si le niveau d’anxiété d’un malade est élevé, moyen ou bas. Il n’est plus possible de douter qu’une espèce de champ entoure à la façon d’un cocon le corps humain.

L’aura

Les observations indiquant que ce champ vibre vont réjouir le cœur des médiums spirites du monde entier, lesquels ont toujours insisté sur le fait que leur sensibilité était due à des « vibrations ». Beaucoup, y compris la fameuse voyante new-yorkaise Eileen Garrett, ont rapporté avoir vu des spirales d’énergie quitter un corps qui vient de mourir. Et maintenant, Sergeyev soutient que ses détecteurs se sont mis brusquement en action près du corps d’un homme dont les ondes cardiaques et cérébrales s’étaient arrêtées, et qui était donc mort chimiquement, mais qui semblait encore émettre une énergie électrique. La notion d’un nuage énergétique, ou « aura », entourant le corps remonte à de nombreux siècles. D’anciennes représentations de saints hommes les montrent debout dans un environnement lumineux, bien avant que les chrétiens n’aient inventé le halo. Cette brume, dotée de propriétés mystiques, a été étudiée pour la première fois par Walter Kilner, de l’hôpital Saint-Thomas de Londres, qui découvrit en 1911 qu’en regardant à travers des écrans de verre coloré il pouvait distinguer une frange rayonnante, large d’une quinzaine de centimètres, autour de la plupart des corps. Il prétendait que cette aura changeait de forme et de couleur suivant l’état de santé de la personne qui la portait, ce qu’il utilisa comme aide au diagnostic médical.

Nos yeux sont sensibles à la lumière située entre les longueurs d’onde de 380 à 760 millimicrons. Grâce à des sources artificielles à intensité très élevée, nous pouvons étendre ces limites, aux deux extrémités du spectre, dans les zones de lumière infrarouge et ultraviolette. Le fait que le corps de l’homme émet des ondes électromagnétiques un peu trop longues pour être vues de la plupart des gens a été démontré avec éclat par la nouvelle technique « thermographique », qui traduit la radiation calorique en merveilleuses images colorées. Par leur mouvement incessant, les atomes créent des rayons infrarouges, et plus ils sont chauds, plus ils deviennent actifs. Dans les portraits thermographiques, les cheveux et les ongles froids apparaissent en noir ou bleu, les lobes frais des oreilles sont verts, le nez est d’un jaune pâle, le cou et les joues sont enluminés d’orange et de rouge. Le système sert maintenant à la détection des tumeurs, de l’arthrite et du cancer, lesquels apparaissent sous l’aspect de zones chaudes isolées. Ainsi le corps rayonne-t-il effectivement sur une longueur d’onde juste extérieure à notre vision normale, et cette radiation se modifie suivant la santé de l’émetteur.

Peut-être Kilner avait-il raison. L’éventail de la sensibilité humaine est tout à fait large ; certaines personnes entendent des sons qui pour d’autres sont ultrasoniques, et certaines gens voient des longueurs d’onde qui pour d’autres sont invisibles. Ceux qui se disent capables de distinguer une aura entourant les êtres vivants pourraient bien être suprasensibles à l’extrémité infrarouge du spectre. Les ondes de cette longueur outrepassent les capacités des cellules en forme de cône de notre rétine, lesquelles apprécient les couleurs visibles, mais il se peut qu’elles soient dans les limites des cellules en forme de bâtonnet, plus sensibles aux faibles intensités lumineuses. Les ouvrages d’occultisme qui donnent des instructions sur « le moyen de voir l’aura » recommandent le plus souvent de la rechercher dans une lumière faible, les yeux mi-clos et la tête tournée en sorte que la lumière frappe le coin de l’œil. Telles sont précisément les conditions les plus adéquates pour éviter les cônes, au centre de la rétine, et stimuler les beaucoup plus sensibles bâtonnets, autour des bords. Les animaux doués d’une bonne vision nocturne n’ont point de cônes et point de faculté de distinguer la couleur ; mais ils peuvent agir dans l’obscurité presque complète, et beaucoup semblent posséder une certaine sensibilité à la radiation infrarouge émise par leur proie. On a démontré que les hiboux peuvent déceler à distance une souris silencieuse, immobile, mais sont incapables de localiser un morceau de viande morte de même taille et de même forme. Si tous les animaux nocturnes sont capables de distinguer certains infrarouges et par conséquent de détecter l’ « aura », nous savons maintenant pourquoi les deux animaux le plus souvent choisis pour « familiers » par les sorcières étaient les hiboux et les chats.

Tous ceux qui prétendent avoir vu l’aura la décrivent comme entourant le corps en une forme ovoïde régulière, plus large à la tête qu’aux pieds. Il est intéressant de remarquer que cette même forme est décrite dans des ouvrages mentionnant des phénomènes du type aura observés dans d’autres cultures. Dans le deuxième de ses beaux livres sur ses conversations avec un sage yaqui, Castaneda note une discussion sur le regard ordinaire et la « vision » véritable. Don Juan déclare : « J’aime bien m’asseoir dans des parcs et des garages d’autobus pour observer. Les personnes réelles ressemblent à des œufs lumineux quand on les voit. » Il continue en expliquant que parfois, dans une foule de créatures ovoïdes, il en repère une qui a tout à fait l’air d’une personne ; alors, il sait qu’il y a quelque chose qui ne va pas et que, sans l’éclat lumineux, il ne s’agit pas du tout d’une personne réelle.

À la suite des travaux de Kilner, le biologiste de Cambridge Oscar Bagnall a tenté de décrire l’aura en termes physiques. Il prétend qu’elle est très facile à voir une fois que l’on a « sensibilisé » les yeux en regardant un certain temps à travers une solution de teinture de goudron dicyanine ou pinacyanol. Afin de faciliter la chose, Bagnall a conçu des lunettes à verres creux que l’on peut remplir de la teinture, dissoute dans de la triéthanolamine. Bagnall rapporte que l’aura ne peut être dispersée par un courant d’air, mais qu’elle est attirée par un aimant tenu près de la peau et que, pareille au champ électrique entourant un conducteur chargé, elle s’étend plus loin à partir d’une projection comme un doigt ou le bout du nez. Il décrit l’aura comme étant composée d’une couche externe floue et d’une couche interne plus brillante, qui paraît contenir des striures s’échappant à angle droit de la peau. Bagnall et d’autres observateurs d’aura disent que de temps à autre un rayon beaucoup plus brillant « s’échappe de l’aura comme un coup de projecteur » et s’étend à plusieurs dizaines de centimètres du corps avant de disparaître.

Comparez cela avec la description suivante : « Des labyrinthes lumineux entiers, étincelant, scintillant, flamboyant. Certaines des étincelles étaient immobiles, d’autres erraient contre un arrière-plan sombre. Par-dessus ces galaxies fantastiques de lumières spectrales, il y avait de brillants flamboiements multicolores, et d’épaisses nuées. » Il ne s’agit point d’un extrait de compte rendu sur un « voyage » au LSD, mais du rapport d’un éminent académicien soviétique au Præsidium sur des recherches en cours actuellement à Krasnodar, près de la mer Noire.

En 1939, l’électricien Semyon Kirlian fut appelé dans un laboratoire universitaire afin de réparer un instrument utilisé en électrothérapie. Il s’aperçut que lorsqu’un patient était traité par la machine, il se produisait un minuscule jaillissement de lumière entre les électrodes. Kirlian essaya de prendre des photographies avec cette lumière et découvrit qu’il était possible de le faire sans appareil en insérant une plaque directement entre l’étincelle à haute fréquence et sa main. Au développement, la plaque photographique produisit une image flamboyante de ses doigts étendus. D’autres sujets vivants donnèrent aussi des images constellées de points et de flamboiements, mais dans le cas d’objets inertes, il n’y avait aucune image. Kirlian construisit sa propre machine afin de créer des champs électriques à haute fréquence avec une oscillation de deux cent mille étincelles par seconde entre deux électrodes. Il conçut aussi un visionneuse optique (aujourd’hui l’objet de quatorze brevets soviétiques) en vue de permettre d’observer le processus directement, sans pellicule ni émulsion. Ce fut la vision de son propre doigt sous cet instrument qui inspira la fameuse description pyrotechnique à l’académicien.

Tout objet vivant placé dans la décharge à haute fréquence produit ces motifs. Une main entière peut ressembler à la Voie lactée, étincelante et scintillante contre un flamboyant arrière-plan d’or et de bleu. Une feuille fraîchement cueillie luit d’une lumière interne qui ruisselle à travers ses pores en rayons qui s’éteignent peu à peu l’un après l’autre à mesure qu’elle meurt. Des feuilles prélevées sur des plantes de la même espèce montrent des motifs similaires de joaillerie ; pourtant si l’une des plantes est malade, le motif de sa feuille est tout à fait différent. De façon similaire, les motifs produits par le même bout de doigt changent avec l’humeur et la santé de son propriétaire. Kirlian dit : « Chez les êtres vivants, nous voyons les signaux de l’état interne de l’organisme reflétés dans le brillant, le terne et la couleur des flamboiements. Les activités de vie interne de l’être humain sont inscrites dans ces hiéroglyphes de “lumière”. Nous avons créé un appareil pour écrire les hiéroglyphes, mais pour les déchiffrer nous allons avoir besoin d’aide. »

Durant vingt-cinq ans, Kirlian et sa femme se sont efforcés de perfectionner leur appareil. Un flot constant de visiteurs – physiciens, médecins, biochimistes, pathologistes, experts en électronique et ministres du gouvernement – sont venus voir les résultats. Tous repartaient impressionnés et la bibliographie concernant le procédé Kirlian prit des proportions massives ; pourtant rien n’arriva jusqu’en 1964 où les portes s’ouvrirent soudain pour Kirlian. Ils furent installés dans leur propre laboratoire avec tous les équipements les plus récents et des programmes de recherche débutèrent sur des machines conçues par Kirlian dans une douzaine d’autres centres. Les résultats commencent à peine d’arriver et promettent de révolutionner maints aspects de la biologie et de la parapsychologie. C’est l’avènement de l’aura électrique.

Une des croyances fondamentales de nombreuses branches de l’occultisme est qu’il existe des corps « astraux », ou « éthériques », censés être des doubles spirituels de nos corps physiques. Les amputés d’une jambe déclarent pouvoir la sentir et même se plaignent de démangeaisons à des orteils absents. Cela peut s’expliquer par la persistance d’anciens schémas sensoriels dans le cerveau ; mais certains médiums se prétendent capables de « voir » des membres fantômes encore attachés au corps. Aujourd’hui, l’effet Kirlian montre qu’ils pourraient bien être dans le vrai. À Moscou, on s’est servi d’une machine Kirlian pour prendre des images d’une feuille intacte ; ensuite, on enlève un tiers de la feuille et l’on prend d’autres images. Durant une courte période après l’ablation d’une partie de la feuille, une image de cette partie persiste sous forme de « fantôme », dessinant les contours complets, étincelants, de la feuille originale entière.

Cela donne à supposer qu’il existe une espèce de matrice énergétique chez tous les êtres vivants, et qu’elle a une forme pareille à celle de l’organisme, bien que relativement indépendante de lui. C’est une idée incroyable, mais en Russie on la prend au sérieux. À l’université d’État de Kirov, à Alma-Ata, un groupe de biophysiciens et de biochimistes essaient d’étudier ce corps énergétique au moyen d’un microscope électronique. Ils prétendent qu’il s’agit d’ « un genre de constellation élémentaire du type plasma, fait de particules ionisées. Ce n’est pas un système chaotique, mais en soi-même tout un organisme unifié ». Ils le nomment le « corps de plasma biologique ».

Plasma sonne à la façon d’un mot sorti d’une réunion spiritualiste victorienne, mais possède une réalité physique aujourd’hui. Un plasma, c’est un gaz qui a été si complètement ionisé que tous les électrons ont été enlevés des noyaux de ses atomes. Cela se produit dans une réaction thermonucléaire, quand la température est élevée à trois cents millions de degrés C, et que les particules gazeuses accélèrent jusqu’à des vitesses assez grandes pour provoquer la fusion ; toutefois l’on n’a pas de preuve que quoi que ce soit de pareil puisse avoir lieu à la température du corps. Ce qui ne signifie pas que cela soit impossible ; cela signifie seulement que toute cette branche de la physique est si nouvelle que nul ne sait au juste en quoi consiste un plasma ni ce qu’il est réellement capable de faire. Un fait intéressant que l’on connaît, lui, sur le plasma, c’est que l’unique chose capable de contenir efficacement son énergie est un champ magnétique – et nous savons que le corps en possède un.

Parmi ceux qui firent le pèlerinage à Krasnodar pour voir les Kirlian se trouve un chirurgien de Leningrad, Mikhaïl Gaïkine. Après avoir observé la cavalcade de lumières en ses propres mains, il s’interrogea sur leur origine. Les plus puissants flamboiements sortaient droit de la peau comme des projecteurs, mais leurs positions ne correspondaient à aucune terminaison nerveuse majeure du corps et le schéma de leur répartition ne montrait aucune correspondance avec des artères ou des veines. Gaïkine se rappela alors ses expériences sur le front de Zabaïkal en 1945 et les leçons qu’il avait reçues d’un médecin chinois dans l’art de l’acupuncture. Sur cette intuition, Gaïkine envoya aux Kirlian une carte classique d’acupuncture indiquant sept cents points importants de la peau – or ils correspondaient exactement à des cartes que les Kirlian avaient commencé d’établir des feux visibles sous leur machine à haute fréquence.

Acupuncture signifie littéralement « piqûre avec une aiguille ». Il s’agit d’un système chinois de médecine, très ancien et très respecté, qui met l’accent sur la prévention de la maladie plutôt que sur un traitement des symptômes. Dans l’ancien temps, un patient payait un médecin pour l’empêcher de tomber malade ; toutefois s’il tombait malade, c’était le médecin qui le payait. L’essence de l’acupuncture est la croyance que toute matière contient deux activités, le Yin et le Yang, et que le bien-être dépend d’un équilibre défini entre elles. Ces activités sont manifestes sous formes d’infimes courants d’énergie circulant au sein du corps, qui en certains points se rapprochent assez de la surface pour qu’on puisse agir sur eux. Les points clés de manipulation ont été déterminés de manière exacte par des millions d’années de pratique, et en chaque point un excès de l’énergie appropriée peut être libéré soit par massage du bout des doigts, soit par insertion d’une aiguille métallique.

Peut-être la mise à l’épreuve la plus rigoureuse de l’acupuncture est son efficacité en tant qu’anesthésique. Des journalistes occidentaux furent invités récemment à voir, à Pékin, une série d’opérations graves entièrement pratiquées sans aucune espèce d’anesthésique. Neville Maxwell a rendu compte de l’ablation d’un poumon tuberculeux chez un malade qui n’avait qu’une fine aiguille d’acier insérée dans l’avant-bras droit, ce qui engourdissait apparemment toute la région thoracique et permettait à l’opération de se dérouler tandis que le patient bavardait en buvant du thé avec l’équipe de la salle d’opération. « L’observateur a pu échanger quelques mots avec le malade et, dans la mesure où il ne gênait pas les chirurgiens, se tenir aussi près qu’il voulait. Une fois l’opération terminée, la plaie a été refermée, l’aiguille ôtée, et l’on a aidé M. Han à s’asseoir. Ensuite on lui a massé le bras et aidé à passer sa veste de pyjama, de nouveau sans le plus petit signe de douleur. » M. Han, alors, donna une conférence de presse.

Les praticiens chinois passent des années pour apprendre à localiser avec précision les points d’acupuncture, mais, moins patients, les étudiants occidentaux ont toujours trouvé cela difficile. Aujourd’hui, Gaïkine et les Kirlian ont construit un appareil électronique pour indiquer les points à moins d’un dixième de millimètre près. Avec fierté, les Russes ont fait la démonstration de cette machine, maintenant appelée « tobiscope », à l’Expo 67 de Montréal, en même temps que du vaisseau spatial Vostok. Grâce à cet instrument, des laboratoires médicaux du monde entier se servent aujourd’hui d’aiguilles, d’électricité, d’ondes sonores, afin de stimuler les points clés pour provoquer des guérisons spectaculaires. Ces résultats fournissent une preuve tangible, pratique, de l’efficacité de l’acupuncture et de la réalité du « plasma » auquel elle semble être liée.

S’il existe un corps de plasma biologique, on s’attendrait à ce qu’il fût produit par l’organisme. Une fois qu’il existe, il est possible qu’il exerce une sorte de fonction d’organisation sur le corps qui l’a créé. Une étude a montré qu’un muscle ôté chirurgicalement à une souris et découpé en petits morceaux se régénérait complètement si l’on rempaquetait ce hachis dans la blessure. Mais peut-être le meilleur exemple est-il fourni par l’éponge. Il y a des colonies d’animaux unicellulaires qui se réunissent en vastes groupes sociaux ; les éponges, pourtant, sont plus complexes que cela et se trouvent classées parmi les organismes uniques. Les cellules de leur corps sont organisées de façon lâche, mais se présentent sous plusieurs formes, lesquelles accomplissent des fonctions différentes. Il y a des cellules de saisie, qui vivent au sein des cavités et agitent des flagelles afin de créer les courants d’eau traversant les pores de l’animal pour lui apporter de la nourriture et de l’oxygène ; il y a des cellules sexuelles, qui produisent des ovules et des spermatozoïdes ; et il y a des cellules qui bâtissent des squelettes de soutien d’une si magnifique structure géodésique qu’ils servent d’inspiration aux créateurs d’avions. Certaines éponges atteignent plusieurs dizaines de centimètres de diamètre ; et pourtant, si on les coupe en morceaux et presse ceux-ci à travers un tissu de soie afin de séparer chaque cellule de ses voisines, ce brouet ne tarde pas à se rassembler, à s’organiser – et l’éponge complète réapparaît comme un phénix pour se remettre à l’ouvrage. Un corps plasmatique persistant fournirait un patron parfait pour une régénération de ce genre.

De quelque nom qu’on le puisse appeler, « bioplasma », « aura » ou « champ vital », il devient malaisé d’éviter la conclusion que notre sphère d’influence ne finit pas avec la peau. Au-delà des confins traditionnels de notre corps sont des forces que nous semblons produire et pouvons être en mesure de commander. À partir du moment où on l’admet, la psychokinésie cesse de paraître étrange. Nul ne met en doute le fait que l’esprit commande et guide les muscles de notre corps ; or, ce faisant, il a déjà prouvé la psychokinésie. Une chose intangible comme l’esprit, que l’on n’a jamais vu, saute par-dessus le gouffre séparant l’irréel du réel, créant l’énergie nerveuse qui dirige l’énergie musculaire, qui meut des objets physiques. De cette situation à la PK, le pas n’est pas grand à franchir ; tout ce que nous avons à faire, c’est de combler le fossé à l’autre extrémité. C’est ce que les Russes ont peut-être fait.

Le rapport entre l’esprit et le cerveau demeure un mystère absolu. Sir John Eccles, un grand neurophysiologiste australien, a décrit le cerveau comme un système de « dix mille millions de neurones… dans un équilibre momentané proche du seuil exact d’excitabilité. C’est le genre de machine que pourrait faire marcher un fantôme, si par « fantôme » nous entendons avant tout un « agent » dont l’action a échappé à la détection, fût-ce par des instruments les plus délicats ». Ce fantôme de la machine psychokinétique semble avoir été matérialisé par les sensibles instruments de Sergeyev et de Kirlian. Plus : il pourrait bien être un fantôme du même genre que ce que les Allemands nomment « Poltergeist », l’esprit frappeur.

Esprits frappeurs

On ne manque pas de bonnes preuves de l’activité des esprits frappeurs, fournies en grande partie par des savants sceptiques, des policiers professionnels et des reporters à qui on ne la fait pas. Dans le monde entier le phénomène est le même. Des objets tombent des tables, des ampoules électriques tombent de leurs prises, des liquides se répandent, des coups sont frappés de manière inexplicable, des pierres volent à travers les fenêtres et des robinets sont laissés ouverts. Ces farces d’aspect infantile semblent souvent associées avec un adolescent, en général une fille à l’âge de la puberté ou dans une période d’adaptation affective. Dans un cas bien connu, une jeune femme de vingt ans aux sentiments délicats se trouvait juste en train d’accéder à la vie conjugale. L’association des activités d’esprits frappeurs avec une personne au lieu d’un endroit est capitale. Cela donne à supposer que les phénomènes géophysiques insolites, comme une aberration locale dans la gravité, jouent un rôle moins important que des forces d’origine psychologique. Il existe une zone, à la pointe du Songe Fjord en Norvège, et une autre dans le cratère volcanique de Kintamani, à Bali, où les cailloux ne sont pas aussi fermement ancrés au sol qu’ils devraient l’être. Mais l’enquête, telle que l’étude minutieuse de l’esprit frappeur de Sauchie par George Owen, montre que lorsque le personnage central de l’un de ces cas se déplace, les phénomènes suivent de près [7].

Le psychanalyste Nandor Fodor a décrit l’esprit frappeur comme « un faisceau de refoulements projetés ». Si la chose est vraie, la projection est totalement inconsciente. Il pourrait s’agir d’énergie psychokinésique se contentant de frapper en aveugle, comme le mouvement réflexe qui nous fait renverser un verre sur la table quand un grand bruit nous fait sursauter. Mais parfois, les activités d’esprits frappeurs font preuve d’un certain degré d’intelligence ou d’intention, comme lorsqu’un texte écrit apparaît sur un mur, ou que des objets visent une personne particulière. En ces cas, l’activité PK pourrait être commandée par quelque plus profond niveau inconscient ; néanmoins, ici même, le fantôme n’est point tant un esprit qu’une manifestation du mental.

Un des caractères communs à presque tous les esprits frappeurs est qu’il est rare que l’on voie réellement des objets en mouvement et, même dans les cas peu fréquents où cela se produit, je n’ai pu trouver un seul rapport effectué par une personne ayant vu un objet commencer à se mouvoir. Voilà qui pourrait être important. Dans les expériences de laboratoire sur la PK chez les gens ordinaires, les effets échouent souvent à se produire quand le sujet se concentre fortement sur eux, puis soudain font leur apparition quand son attention se trouve détournée. Les activités d’esprits frappeurs cessent fréquemment sitôt qu’un enquêteur arrive pour les étudier. Rhine décrit certains de ses travaux comme « essayer de développer une pellicule à la lumière du jour ».

Tout comme l’obscurité constitue pour le développement photographique une condition préalable essentielle, ainsi la spontanéité semble être importante pour le sujet de laboratoire PK ou l’esprit frappeur. Les rares personnes qui ont appris à produire à volonté des effets de PK sont manifestement situées dans une catégorie à part. Rhine conclut que la PK représente « une faculté qui ne s’exerce que dans les étroites limites de certaines conditions psychologiques et qui se trouve aisément inhibée si ces conditions sont défavorables »… Chez la plupart des gens, elle est tout le temps inhibée.

Peut-être le plus utile indice qui ressorte jusqu’ici de ces recherches est-il la découverte par Sergeyev que, pendant la PK, le champ électrostatique, le cœur et le cerveau fonctionnent tous à quatre cycles par seconde. On sait depuis longtemps que le cerveau des très jeunes enfants présente un type ondulatoire lent. Des électrodes fixées au ventre d’une femme en fin de grossesse montrent que l’enfant à naître émet des ondes de moins de trois cycles par seconde – les mêmes ondes (delta) que produisent les adultes dans « un sommeil de bébé ». Pendant les trois premières années de la vie, les rythmes delta sont prédominants et ce n’est que plus tard que le pouls s’accélère jusqu’aux rythmes alpha de la méditation, et jusqu’aux rythmes plus rapides encore de la pensée et des calculs complexes. On croyait au début que les rythmes de quatre à sept cycles ne constituaient qu’une transition entre delta, qui cesse à trois, et alpha, qui commence à huit cycles par seconde. Et l’on pensait que ces types intermédiaires étaient seulement caractéristiques de la croissance des enfants ; mais plus tard on les découvrit aussi dans certaines conditions chez les adultes, et on leur donna le nom d’ondes thêta.

Les rythmes thêta ont leur origine au sein du thalamus, la région du cerveau qui semble gouverner la manifestation affective. Ils sont très faciles à provoquer chez un jeune enfant, en lui arrachant un bonbon ou un jouet, et en le tenant juste en dehors de sa portée. On peut les provoquer presque aussi facilement chez les adultes, en les offensant ou bien en les frustrant. En situation de laboratoire, on fait souvent la démonstration des rythmes thêta en offrant au sujet un stimulus agréable, comme de lui faire caresser le front par une jolie fille, puis en la renvoyant brusquement. Dès que cesse la sensation agréable, les rythmes thêta font leur apparition, clignotent jusqu’à un crescendo pendant un court moment, puis disparaissent. La plupart des adultes sont accoutumés à de fréquentes déceptions, et il semble qu’ils s’y adaptent en supprimant très rapidement les thêta. Chez les enfants, les rythmes persistent beaucoup plus longtemps et mènent souvent à des crises de colère ou à d’aveugles destructions. On a découvert que les adultes sujets à des accès incontrôlés d’agressivité violente ont fréquemment dans leurs ondes cérébrales une prédominance de rythmes thêta. Le symptôme est si caractéristique que l’on s’en est servi comme d’un moyen pour dépister ce type de psychopathie.

Il semble donc que, jeunes enfants, nous ayons tous une tendance naturelle à réagir émotionnellement à la frustration par des actes d’agressivité liés aux ondes thêta du cerveau. Il semble aussi que les animaux réagissent de même. Hebb nous parle d’un chimpanzé qui restait paisiblement assis durant des heures, se contentant de contempler une femelle dans une autre cage, et puis, sitôt qu’elle se retirait dans son antre à dormir, il manifestait un brusque et violent déploiement de rage, accompagné par l’équivalent chez les chimpanzés de nos ondes thêta. Dans notre enfance, nous prenons de la même façon la mouche, mais en mûrissant nous apprenons à supprimer les rythmes violents. Le fait qu’il s’agisse là d’un processus conscient et délibéré a été démontré par Walter en des tests de laboratoire où la colère était provoquée artificiellement en exposant les sujets à une lumière clignotant au rythme thêta, entre quatre et sept cycles par seconde. Il existe une large variation dans l’aptitude individuelle à se contrôler, et il apparaît que les gens à mauvais caractère ne sont souvent que les moins capables d’apaiser les thêta.

Les descriptions que donnent les manuels du comportement sous les rythmes thêta recourent aux mots « intolérance », « égoïsme », « impatience », « suspicion » et « puérilité ». Ce qui représente une excellente description de la plupart des esprits frappeurs. Il est tentant de mettre en parallèle et de signaler que les activités d’esprits frappeurs sont le plus souvent associées à des gens qui traversent des phases difficiles de leur existence, où ils auraient sans doute un grand bénéfice à être autorisés à faire une crise de colère, mais où ils ont dépassé l’âge où la chose est socialement admissible. Peut-être la frustration s’amoncelle-t-elle au point de ne pouvoir trouver de libération qu’à travers l’inconscient, par une absurde psychokinésie telle que bris de fenêtres et lancement d’objets en tous sens. Il s’agit là de pure hypothèse ; je n’ai aucune preuve à présenter en faveur d’une telle théorie, mais il y a les rapports sur la physiologie de Nelya Mikhaïlova sur quoi s’appuyer. Tandis que l’on observait les effets de PK, elle opérait presque exclusivement sur un puissant rythme thêta provoqué par elle-même. Ses mensurations endocriniennes et de sucre sanguin montrent qu’elle était dans un état de rage contrôlée. Telles pourraient bien être justement les conditions nécessaires à l’apparition de la PK.

Dans les communautés animales, de hauts niveaux d’agressivité apparaissent fréquemment, aboutissant à un combat très stylisé de sorte que les affects puissent trouver à s’exprimer sans que soit trop malmené l’un ou l’autre protagoniste. Il y a des règles, mais en certaines conditions les règles s’effondrent, et l’animal voit son agressivité contrecarrée. Cela se produit quand deux antilopes sont de force tellement égale qu’aucune des deux ne cédera, ou quand deux mouettes se rencontrent au bord de leurs territoires respectifs, où ni l’une ni l’autre n’a droit de passage. Les tendances contradictoires entre combattre et fuir s’opposent directement en chacune d’elles, et c’est l’impasse ; pourtant, le niveau de l’affect est si élevé qu’il lui faut trouver une issue quelque part ; aussi, une « activité de remplacement » a-t-elle lieu. L’antilope peut se mettre à se gratter la patte de derrière comme si elle la démangeait soudain de manière intolérable, et la mouette à tirer sur des brins d’herbe comme si elle éprouvait un irrésistible besoin de construire un nid sur-le-champ. De la sorte, l’accumulation d’agressivité s’exprime dans une action d’un genre absolument différent. Peut-être est-ce là ce qui se produit dans la psychokinésie. Peut-être le niveau de la colère due aux rythmes thêta est-il tellement élevé, tellement frustré qu’il se trouve détourné dans un autre canal, et au lieu que le sujet renverse une chaise d’un coup de pied, ce qui serait considéré comme puéril et répréhensible, son esprit inconscient le fait faire à sa place par le champ de force.

Dans tout cela, il reste beaucoup de « peut-être » et d’ « il se peut ». Nous ne connaissons pas encore les réponses, mais un dessin général semble en train d’apparaître. Dans l’évolution biologique, il est malaisé de trouver un emplacement logique à la psychokinésie au-dessous du niveau humain. Chez toutes les autres espèces, l’agressivité s’exprime aisément. Ce n’est que chez l’homme qu’il existe un conflit entre l’agressivité et la pression sociale ; ce n’est que chez l’homme que le cerveau s’est développé assez avant pour produire un esprit qui établit ses propres critères de comportement et supprime consciemment les mouvements instinctifs qui n’obéissent pas à ces critères. On doit enseigner aux enfants à se comporter ainsi, mais, à une époque de la vie où les pressions exercées sur eux sont les plus grandes, il se peut qu’ils trouvent un exutoire inconscient. Les rares personnes capables de produire à volonté des effets psychokinésiques ont vraisemblablement appris à le faire en amenant cette activité de remplacement sous contrôle conscient. Peut-être, à mesure que nous en apprendrons davantage sur nous-mêmes, un plus grand nombre d’entre nous seront-ils en mesure de le faire aussi bien. Pour le moment, il semble un peu inutile de gaspiller de l’énergie et de perdre un kilo chaque fois que nous avons besoin de séparer le jaune et le blanc d’un œuf. Nous pouvons faire ces choses-là beaucoup plus efficacement avec nos mains ; toutefois, ces tours de société de la PK pourraient bien n’être que jeux d’enfant pour un esprit capable d’exercer un véritable contrôle sur la matière.